DOWLAND : DISCOGRAPHIE SéLECTIVE ET TRÈS PERSONNELLE…
par Roland Schaffhauser
o Alfred Deller, haute-contre ; Robert Spencer, luth : Lute Songs (Harmonia Mundi)
Au mitan du XXème siècle, Alfred Deller, à l'aube de sa carrière, enregistrait son deuxième disque (à écouter ici sur YouTube). C'était sa première collaboration avec le luthiste Desmond Dupré, elle allait durer une vingtaine d'années. Ce 78 tours était consacré à deux lute songs de John Dowland. Le monde découvrait la voix de haute-contre et un répertoire délaissé avec des options interprétatives nouvelles.
En 1977, deux ans avant de disparaitre, Deller s'est associé à Robert Spencer pour trois 33 tours (aujourd'hui regroupés sur deux CD). Précision du mot, sens du phrasé, musicalité extrême font de ces galettes une référence vers laquelle se tourneront tous les interprètes suivants.
o Anthony Rooley, luth et direction ; The Consort of Musicke : The Collected Works (DGG)
En 12 CD, Rooley entouré d'Emma Kirby, Martin Hill, David Thomas, Colin Tilney, entre autres, nous donne l'œuvre de JD : songs, galliards, lachrimae, fantasias ou fancies sont donnés dans différentes versions chantées et/ou instrumentales.
o Charles Daniels, ténor ; David Miller, luth : Sweet stay awhile(Emi Classics)
Les artistes ont retenu les leçons de Deller pour une anthologie des plus heureuses et des plus subtiles. Interprétation pleine de grâce.
o John Elwes, ténor ; Matthias Spaeter, luth : The First Booke of Songes or Ayres (Pierre Verany)
Une version du premier livre de JD dans une interprétation mêlant force, douceur et émotions.
o Emma Kirby, soprano ; Anthony Rooley, luth : The English Orpheus (Virgin Veritas)
La voix la plus lumineuse, légère et lyrique pour un choix de songs des 4 livres pas tous courus.
o The Boston Camerata, Anne Azéma, soprano, etc… ; Joel Cohen, luth et direction : Farewell, Unkind (Erato)
Un des intérêts de ce CD réside dans le texte chanté en vieil anglais. La couleur instrumentale est riche et variée : pas moins de 10 musiciens dans des pièces pas toutes célèbres, mais magnifiquement "réarrangées".
o Iestyn Davies, countertenor ; Thomas Dunford, luth : The Art of the Melancholy (Hyperion)
Le plus récent disque de JD signant le renouveau des interprétations et l'attrait exercé par le plus célèbre lutenist de la fin du XVIème siècle sur la nouvelle génération de chanteurs et de luthistes. Disque magnifique de bout en bout : les deux musiciens mettent leur art au service de la mélancolie dowlandienne – Semper Dowland, semper dolens. Rien de triste, mais un espoir rempli d'une douce affliction.
o Dominique Visse, haute-contre ; Renaud Delaigue, basse ; Eric Bellocq, luth ; Fretwork, consort de violes : Tunes of sad Despaire (Satirino)
Le génial Visse revisite les pages les plus célèbres avec ses amis de l'Ensemble C. Janequin et l'Ensemble de violes Fretwork. Disque plus tonique que son titre ne le laisse entendre, d'une vitalité et d'une inventivité nouvelles. En vieil anglais également. Comment désespérer avec de tels artistes ? A consommer sans modération.
o Gérard Lesne, haute-contre ; Ensemble O. Gibbons : Ayres (Naïve)
Un choix de songs et galliards par des artistes rodés à la musique de la Renaissance.
o Thomas Dunford, luth : Lachrimae (α)
En deux disques consacrés à JD en l'espace d'un an, Thomas Dunford, 25 ans, s'impose comme un nouvel acteur de poids pour cette période de la Renaissance finissante. Il est le centre de gravité de ce CD. S'entourant de quatre chanteurs, il nous ravit dans les pages les plus célèbres. Vigueur des ensembles, mais surtout mélancolie et gravité du luth. Le rubato de Dunford dans les pièces pour luth seul nous donne les meilleures versions des pièces ici enregistrées – Et mon luth constellé / Porte le Soleil noir de la Mélancolie. A remettre souvent sur la platine et pas seulement dans les moments de déprime !
o Andreas Scholl, contre-ténor ; Concerto di viole : Crystal Tears (Harmonia Mundi)
Le souffle et le phrasé de Scholl font merveille dans les pages lentes de ce CD.
o John Potter, ténor et un groupe de 4 musiciens (jazz et musique ancienne) réunis pour la première fois dans le cadre de ce qui deviendra le Dowland Project : In Darkness, let me dwell(ECM)
Retravaillant les partitions de JD, les artistes semblent improviser leurs parties dans un esprit jazzy. Le chanteur, ex-ténor du Hilliard Ensemble, nous ramènent aux racines de la partition. La fusion est une réussite.
o Sting, pop-star ; Edin Karamazov, luth : Songs from the Labyrinth (DGG)
L'ex-membre de Police traduit dans ce CD son attachement à John Dowland, "la pop-star de 1603" (dixit Sting). Cet attrait pour JD est celui de tout une nation qui se retrouve dans les plaintes de l'auteur de Flow, my tears. Un hommage humble, dans une interprétation personnelle intéressante qui ne cesse de surprendre.
o Valeria Mignaco, soprano ; Alfonso Marin, luth : Sorrow, Stay (LUTEVOICE)
Une émotion à fleur de peau dans ce song. Extraordinaire !